Droit du travail
Mise à jour sur le projet de loi relatif au droit du travail – Ce que les employeurs doivent savoir
Comme nous l’avons indiqué dans un précédent article Employment Rights Bill – can employers breathe a collective sigh of relief? | Cripps, le projet de loi ERB est susceptible de transformer le paysage juridique pour des millions de travailleurs et d’employeurs au Royaume-Uni.
Depuis 2024, le Parti travailliste détient à nouveau la majorité à la Chambre des Communes, une première depuis 2010. Ses priorités incluent une réforme ambitieuse du droit du travail, qui remet en question plusieurs principes fondamentaux ayant longtemps contribué à la réputation du droit social anglais comme étant particulièrement souple. Parmi ces principes fondamentaux figurent le contrat à zéro heure et la notion de licenciement abusif.
Au Royaume-Uni, le contrat à zéro heure (« zero-hours contract ») est une forme de contrat de travail très flexible, sans garantie d’heures de travail. L’employeur n’est pas tenu de proposer un nombre minimum d’heures, et le salarié peut refuser les missions proposées.
Ce type de contrat est souvent utilisé dans les secteurs où l’activité varie beaucoup (« restauration, commerce, santé… »). Il offre une grande souplesse, tant pour l’employeur que pour le salarié, mais peut aussi entraîner une précarité financière en raison de l’absence de revenu stable.
Au Royaume-Uni, un licenciement abusif (« unfair dismissal ») correspond à une rupture du contrat de travail jugée injustifiée ou mal exécutée. Pour pouvoir contester un licenciement devant un tribunal de prud’homme, un salarié doit justifier de deux ans d’ancienneté continue dans la même entreprise. En deçà de ce seuil, l’entreprise peut rompre le contrat de travail avec une procédure allégée et moins contraignante. Toutefois, certaines situations sont considérées comme automatiquement abusives, même avant deux ans d’ancienneté : par exemple, un licenciement lié à une discrimination. Cette règle donne une certaine flexibilité aux entreprises, tout en étant encadrée pour éviter les abus flagrants.
A la suite de sa publication en octobre 2024, le projet de loi a entamé son parcours parlementaire, donnant lieu à diverses modifications après consultation.
Quel est l’état d’avancement ?
De nombreux amendements ont déjà été débattus à la Chambre des Communes, d’autres ajoutés à la Chambre des Lords dans le va-et-vient classique entre les deux branches du pouvoir législatif. Alors, que contient ce projet de loi ? Quels sont les changements à venir ? Et quel sera l’impact sur la stratégie et les opérations des ressources humaines (RH) ?
À l’approche des dernières étapes du projet de loi au Parlement, plusieurs mesures peuvent être prises par les employeurs et les professionnels RH pour se préparer.
Aperçu des principales réformes et de leur impact probable
Protection contre le licenciement abusif après six mois au lieu de deux ans
Ce qui changerait - Le droit de contester un licenciement abusif s’appliquerait après six mois au lieu de deux ans actuellement.
Impact RH - Les processus de recrutement, de période d’essai et d’intégration devront être révisés. Une documentation claire et des protocoles de gestion de la performance seront essentiels dès le premier jour.
Heures garanties et préavis de poste pour tous les travailleurs
Ce qui changerait - Les employeurs devraient avoir l’obligation positive de proposer un contrat avec heures garanties, sous certaines conditions.
La Chambre des Lords avait plutôt proposé que les travailleurs et intérimaires sous contrats à zéro heure aient le droit de demander des heures garanties au lieu de faire peser cette obligation sur les employeurs mais cette proposition a été rejeté par le gouvernement.
Les salariés devraient également être en mesure de recevoir une compensation en cas d’annulation de poste avec un préavis trop court.
La Chambre des Lords a proposé un nouvel amendement visant à accorder aux salariés le droit de se désengager d’un contrat à heures garanties après en avoir initialement accepté un, avec la possibilité de revenir sur cette décision s’ils le souhaitent.
Impact RH - La planification de la main-d’œuvre devra être plus prévisible et transparente. Les obligations partagées avec les agences intérimaires pourraient poser des défis opérationnels. Les accords collectifs pourraient offrir une certaine flexibilité.
Extension du congé maladie légal (Statutory Sick Pay « SSP »)
Ce qui changerait - Le SSP serait versé dès le premier jour de maladie. Les salariés en dessous du seuil de revenu recevraient 80 % de leur salaire hebdomadaire moyen.
Impact RH - Les systèmes de paie et de suivi des absences devront être mis à jour. Il est conseillé de prévoir un budget pour les coûts accrus liés aux congés maladie.
Congé de deuil en cas de fausse couche
Ce qui changerait - Deux semaines de congés pour les salariés ayant subi une perte de grossesse avant 24 semaines, étendant les droits actuels au congé parental pour deuil.
Impact RH - Les politiques RH sur le congé compassionnel devront être mises à jour. Les responsables hiérarchiques pourraient avoir besoin de conseils pour gérer ces situations sensibles.
Protections contre le licenciement pendant la grossesse et le congé maternité
Ce qui changerait - Les licenciements pendant la grossesse, le congé maternité ou dans les six mois suivant le retour seront interdits sauf dans des cas strictement définis.
Impact RH - Les décisions de licenciement impliquant des salariées enceintes ou récemment de retour de congé maternité doivent être prises avec une prudence accrue. Attendez-vous à une réglementation supplémentaire sur les notifications et les procédures.
Licenciement collectif : seuils de consultation et sanctions
Ce qui changerait :
- La consultation collective pourrait s’appliquer aux licenciements dans l’ensemble de l’entreprise, et non plus uniquement sur un site.
- Les sanctions pour absence de consultation passent de 90 à 180 jours de salaire par salarié.
Impact RH - Une supervision centralisée des licenciements devient essentielle. Les risques et coûts de non-conformité sont considérablement accrus.
Restrictions sur les pratiques de « licencier et réembaucher »
Ce qui changerait - Ces pratiques seront automatiquement considérées comme abusives sauf en cas de détresse financière de l’entreprise et si un Code de conduite révisé est suivi.
Impact RH - Les options de restructuration stratégique se réduisent. Assurez-vous que tout changement proposé respecte les meilleures pratiques en matière de consultation et de justification. Envisagez une utilisation accrue des clauses de flexibilité dans les contrats.
Agence du travail équitable (« Fair Work Agency ») : un nouveau régulateur puissant
Ce qui changerait - Un nouvel organisme de contrôle veillerait au respect du paiement des congés, du salaire minimum, du SSP, etc. Il pourra :
- Imposer des sanctions de 200 % en cas de sous-paiement des congés payés ou du SSP
- Lancer des recours devant les tribunaux pour les travailleurs
- Récupérer les frais d’exécution auprès des employeurs
Impact RH - Attendez-vous à une surveillance réglementaire accrue, en particulier pour les postes peu rémunérés. Une tenue précise des registres sera essentielle, car le non-respect sera une infraction pénale.
Il n’existe pas d’Inspection du Travail au Royaume-Uni, mais cette proposition semblerait introduire un tel organisme.
Réforme des sociétés de portage salarial (« Umbrella company »)
Ce qui changerait - Les sociétés de portage seront réglementées comme des entreprises de travail temporaire. À partir d’avril 2026, les agences (ou clients finaux) seront responsables de la conformité aux règles de « PAYE/NICs » (déduction de l’impôt et charges sociales à la source).
Impact RH - Examinez les chaînes d’approvisionnement en main-d’œuvre. Une gestion de paie interne ou des prestataires tiers conformes pourraient devenir une option plus sûre.
Renforcement des droits syndicaux
Ce qui changerait :
- Accès accru pour les syndicats à leurs membres (y compris numérique),
- Réduction des délais de préavis pour les actions syndicales (10 jours) (rejeté par la Chambre des Lords le 28 octobre dernier)
- Mandats de grève prolongés (12 mois)
- Seuils de reconnaissance potentiellement abaissés à l’avenir (aucun seuil précis n’a encore été fixé).
Impact RH - Attendez-vous à une présence syndicale plus active et à une escalade plus rapide des conflits. L’engagement précoce et la gestion des relations syndicales seront essentiels.
Comment nous pouvons vous aider
Bien que le projet de loi ait été présenté au Parlement en 2024, la majorité de ses dispositions ne seront pleinement mises en œuvre qu’à partir de 2026–2027, plusieurs consultations étant encore en cours. Nous restons attentifs à son évolution.
Si vous avez des questions sur l’impact probable du projet de loi ou sur la manière de vous y préparer, n’hésitez pas à nous contacter.
Article original rédigé en anglais par Sarah Glocker, associée, Droit Social